Quand la presse française fait les yeux doux au Hezbollah
Un panégyrique du cheikh Nasrallah dans le journal Le Monde
Paul Landau *
L'article paru dans le quotidien français Le Monde du 2 mai 2005, intitulé sobrement "Hassan Nasrallah, l'homme du Parti de Dieu", s'apparente plus en réalité à un panégyrique qu'à une enquête journalistique véritable. Le portrait que dresse Patrice Claude du secrétaire général du Hezbollah libanais est celui d'un "petit homme barbu et rondouillard" et tout compte fait, plutôt sympathique. On imagine quel portrait ce même journaliste aurait pu faire, il y a soixante ans, d'un autre petit homme, moustachu, qui haranguait les foules avec autant de charisme et qui vitupérait les mêmes ennemis que ceux de Nasrallah aujourd'hui : l'Amérique et les Juifs.
Le journaliste du Monde reconnaît certes que le Hezbollah est considéré par les Américains, les Israéliens et bien d'autres gouvernements encore comme une "organisation terroriste" [les guillemets sont toujours de mise dans Le Monde lorsqu'il est question de terroristes arabes]. Mais il ajoute aussitôt que "l'homme qui guide le Hezbollah depuis treize ans est au contraire fêté au Liban comme un authentique résistant" [sans guillemets cette fois-ci…]. Il pourrait ajouter, au Liban, et aussi en France. Car la parution de cet article élogieux ne doit rien au hasard, nous allons le voir.
Patrice Claude avoue pourtant que le chef du Hezbollah n'a pas que des amis au Liban. Mais, précise-t-il, "à l'extérieur [du pays du cèdre], son principal ennemi s'appelle Ariel Sharon" - détail qui ne peut que rendre Nasrallah sympathique au lecteur du quotidien de référence de l'intelligentsia française. Et le correspondant du Monde rappelle aussi que le précédesseur de Nasrallah à la tête du "Parti de Dieu", Abbas al-Moussaoui, a été tué avec "sa femme et leur petite fille de 3 ans, le 16 février 1992, par un missile US Hellfire tiré depuis un hélicoptère israélien qui les attendait au détour d'une route de montagne".
"C'est peut-être la seule fois où l'on a vu le cheikh pleurer" se souvient un vieil ami… Ce détail nous rappelle que tous les hommes, même le chef du Parti de Dieu libanais dont "la classe politique toute entière, des chrétiens aux sunnites en passant par les druzes, loue régulièrement le charisme, l'intelligence politique et la trempe d'homme d'Etat", ont des glandes lacrymales. Et Patrice Claude ajoute encore, pour parachever son portrait de Nasrallah, que son fils de dix-huit ans a été tué au Liban sud dans un "raid de de la Résistance islamique - branche armée du hezbollah - contre la force israélienne occupante".
C'est seulement en lisant le dernier paragraphe de ce panégyrique ("éloge sans réserve ou excessif", selon le Petit Larousse), que le journaliste du Monde nous livre la clé d'explication de cet article à la gloire du chef du Hezbollah. "De l'avis général au Liban - écrit Patrice Claude - l'organisation a réussi sa mutation d'organisation de résistance en parti politique. Le plus puissant et le plus discipliné du pays".
Quelques semaines avant la parution de ce morceau d'anthologie, Le Figaro avait lui aussi pris part à la campagne de relations publiques du Hezbollah en France, en ouvrant généreusement les colonnes de sa page "Opinions" au même cheikh Nasrallah. Cette concomitance amène à s'interroger sur l'engouement soudain de la presse française, toutes tendances connues, pour le Hezbollah. Israël mène en effet actuellement campagne pour que l'Union européenne inscrive le Parti de Dieu sur la liste des organisations terroristes, à l'instar des Etats-Unis, qui n'ont pas oublié l'assassinat de 241 de leurs Marines à Beyrouth en 1983.
Or la France est à la tête des pays européens qui s'opposent à une telle initiative. Le Ministre des Affaires étrangères Michel Barnier a récemment déclaré devant la commission des affaires étrangères du Sénat : "ce mouvement présente une double dimension : une branche politique et parlementaire, mais aussi une branche armée à l'égard de laquelle la France n'a aucune complaisance. L'inscription du Hezbollah sur la liste européenne des mouvements terroristes aurait-elle pour effet de décourager les partisans de la violence ? Il paraît préférable, face aux graves tensions qui affectent le Liban, de ne pas chercher pour le moment à trancher cette question".
On comprend, au vu de la position d'atermoiement du Ministre des affaires étrangères de la France, pourquoi les médias français font aujourd'hui les yeux doux au chef du Hezbollah. Une fois de plus, preuve est faite des liens de subordination et de dépendance entre la diplomatie et la presse en France. Et de la sympathie qu'éprouvent de nombreux dirigeants et journalistes français pour les pires ennemis de l'Etat juif.
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