Wednesday, November 15, 2006

Al-Jazira English veut conquérir les jeunes musulmans et les décideurs anglophones

LE MONDE 15.11.06
LONDRES CORRESPONDANT
Le 1er novembre, Al-Jazira célébrait ses dix ans. Deux semaines plus tard, la chaîne qatarie d'information en continu reçoit son cadeau d'anniversaire : une petite soeur, à l'ambition mondiale, Al-Jazira-English (AJE). Celle-ci a commencé à diffuser en anglais mercredi 15 novembre à partir de quatre grands bureaux régionaux qui assureront une couverture en relais : Doha, capitale de l'émirat du Qatar où se trouve le quartier général des deux chaînes, Kuala Lumpur, Washington et Londres.


Le directeur d'AJE, Nigel Parsons, un journaliste britannique, ancien de la BBC et de WTN, anime depuis Doha une équipe de quelque 500 personnes dont 300 journalistes. Dans un entretien téléphonique au Monde, il souligne que sa chaîne a pour objectif de combler le vide qui existe dans le réseau des grands médias internationaux. Elle entend répondre aux attentes de tous ceux qui, parmi le 1,2 milliard de musulmans ou le milliard d'anglophones dans le monde, sont insatisfaits de l'offre télévisuelle existante.
"Bien sûr, observe-t-il, les jeunes d'origine musulmane vivant en Occident représentent l'une de nos cibles prioritaires. Ils sont un public potentiel naturel. Mais nous visons, notamment parmi les 20-35 ans, une audience beaucoup plus large : les décideurs, les faiseurs d'opinion. Ils ont souvent une vision cynique des médias, qu'ils jugent peu crédibles. Nous voulons récupérer ces téléspectateurs méfiants."
AJE a accès à 50 millions de foyers situés en majorité en dehors de l'Europe et des Etats-Unis. "L'Amérique, reconnaît Nigel Parsons, constitue notre principal problème de distribution." La chaîne a conclu un accord avec deux sociétés de câble américaines, mais pas avec la plus grosse, Comcast. "Nous avons pris pied aux Etats-Unis, et c'est l'essentiel. Nous savons que c'est un marché déjà très encombré. Je suis sûr que les distributeurs changeront vite d'avis lorsqu'ils verront notre chaîne fonctionner. Nous recevons beaucoup d'e-mails de soutien du public américain. Celui-ci pourra aussi nous regarder sur Internet."
Sur le contenu éditorial, AJE souhaite afficher sa différence par rapport à la stricte impartialité de la BBC ou au regard américain que CNN porte sur le monde. "Nous aurons forcément une autre vision, poursuit Nigel Parsons. D'abord parce que nous sommes basés au Moyen-Orient où nous partagerons nos ressources avec Al-Jazira. Dans le monde arabe, ils nous montreront la voie. Ailleurs, nous serons peut-être en mesure de les payer de retour. Ensuite parce que notre décentralisation permettra des traitements spécifiques de l'information. Des journalistes asiatiques parleront de l'Asie, des Africains de l'Afrique. Nous aurons au total 20 bureaux, et nous pourrons compter, en cas de besoin, sur le soutien des 60 bureaux de la chaîne arabe."
Depuis des mois, des rumeurs font état de conflits éditoriaux entre la rédaction d'AJE et celle d'Al-Jazira. Cette dernière s'inquiéterait de voir la chaîne en anglais faire fi de l'"esprit" et de la sensibilité arabes qui ont forgé son succès. Les journalistes d'AJE se seraient même vu recommander certains usages "sémantiques" dans la présentation des informations ou des reportages.
Nigel Parsons dément ces rumeurs, tout en reconnaissant que les responsables des deux chaînes ont beaucoup discuté "contenu". "Nous sommes au clair. Nous travaillons très dur ensemble. Il est naturel que la chaîne arabe soit fière de sa marque et veuille la protéger. Elle avait besoin d'être rassurée. S'il y avait des suspicions, elles ont disparu. Nous n'allons pas abîmer Al-Jazira, mais au contraire faire connaître son style de journalisme à une audience mondiale."
Dès vendredi 17 novembre, la vedette reviendra au bureau de Londres, où le vétéran britannique David Frost, ancienne star de la BBC, diffusera un entretien exclusif avec Tony Blair. Un beau "coup" pour lancer la chaîne.
Jean-Pierre Langellier

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