Tuesday, January 23, 2007

Les représentants musulmans demandent aux candidats de laisser l'islam hors de la campagne

LE MONDE 23.01.07 14h00 •
Participant pour la première fois aux débats liés à une campagne présidentielle, les représentants des musulmans de France regroupés au sein du Conseil français du culte musulman (CFCM) sont inquiets. Ils souhaitent rencontrer les candidats à l'élection présidentielle pour leur faire part de leurs craintes sur "la tournure et l'utilisation politicienne et électoraliste que prennent les débats autour de l'islam de France".

Ces déclarations interviennent après la publication par le PS d'un document intitulé L'inquiétante "rupture tranquille" de M. Sarkozy, dans lequel le CFCM, installé par le ministre de l'intérieur, Nicolas Sarkozy, en 2003, est mis en cause. Le Conseil y est qualifié de "coordination fantoche" au "fonctionnement chaotique", aux mains des "intégristes de l'UOIF".
"Il est aujourd'hui de bon ton de parler de l'islam de manière négative et de prétendre que le CFCM a été mis en place pour encourager le communautarisme", déplore Kamel Kabtane, membre du bureau du CFCM et recteur de la mosquée de Lyon. "Le problème n'est pas que le CFCM agisse bien ou mal, nuance Eric Besson, secrétaire national du PS, qui a supervisé l'ouvrage incriminé. Notre critique porte sur le fait que Sarkozy ait favorisé l'islam intégriste de l'UOIF au détriment d'un islam modéré."
Cette analyse, rendue publique dans le cadre de la campagne électorale, inquiète également Dalil Boubakeur, président du CFCM et recteur de la Mosquée de Paris. "On constate une convergence pour faire apparaître l'islam de France comme inféodé aux fondamentalistes. Cela a commencé avec les écrits de Philippe de Villiers (notamment son ouvrage intitulé Les Mosquées de Roissy). Et cela se passe au moment même où nos jeunes s'inscrivent massivement sur les listes électorales, traduisant un désir d'affirmer qu'ils sont français à part entière."
AGACEMENT
Aussi, même si la réalité d'un vote musulman reste à prouver, une brouille avec ses représentants n'a guère paru opportune aux socialistes. A la demande des élus socialistes du Nord, M. Besson a accepté de retirer du document un passage critique à l'encontre du lycée Averroès de Lille, le seul établissement scolaire musulman de France. Son proviseur, membre de l'UOIF, Omar Lasfar, qui s'apprêtait à porter plainte pour diffamation contre M. Besson, reconnaît que "l'affaire est en train de se régler". Ce lycée est toujours qualifié de "fondamentaliste" et ses enseignants d'"intégristes" dans les écrits socialistes. Mais le risque de s'aliéner la communauté n'existe pas, selon M. Besson, qui estime que "beaucoup de musulmans partagent notre avis sur l'UOIF".
Les critiques à l'égard de leur instance ne sont pas les seuls sujets d'agacement pour les représentants du CFCM. Ils déplorent aussi la présence annoncée du premier secrétaire du PS, François Hollande, et du candidat de l'UDF à l'élection présidentielle, François Bayrou, comme témoins de la défense dans le procès qui opposera les 7 et 8 février Charlie Hebdo à la Grande Mosquée de Paris et à l'UOIF. L'hebdomadaire avait publié, en février 2006, les caricatures de Mahomet parues dans la presse danoise. Les organisations musulmanes françaises ont porté plainte pour "injure publique à l'égard d'un groupe de personnes en raison de leur religion". "La présence d'hommes politiques à ce procès fait entrer dans la campagne électorale un thème qui n'a pas lieu d'y être", estime M. Boubaker.
Stéphanie Le Bars

0 Comments:

Post a Comment

<< Home