La France et le Hezbollah
[Article ecrit en novembre 2004, qui n'a rien perdu de son actualite...]
Il y aurait beaucoup à dire sur l'affaire Al-Manar - la chaîne de télévision du Hezbollah, dont le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) vient d'autoriser la diffusion en France. Cette décision stupéfiante et lourde de conséquences n'a guère suscité de réactions, à ce jour, mis à part la vive protestation du CRIF, qui est sorti de sa réserve habituelle. Pourtant, cet événement en dit long sur l'état de décadence morale de la société et des élites françaises. Dans un article consacré à Al Manar, en février 2004, le journaliste de Libération Christophe Ayad écrivait ces lignes prémonitoires, qui permettent de comprendre, a posteriori, les dessous de la décision du CSA (1) :Al-Manar est allé jusqu'à instaurer un court journal d'actualité en français, à l'occasion du dernier sommet de la Francophonie, en octobre 2002. Hezbollah - Francophonie, une histoire d'amour inattendue ! Hassan Nasrallah, le jeune secrétaire général du «Parti de Dieu», avait assisté, ravi, assis au premier rang avec les officiels libanais, au discours de Jacques Chirac pour un «monde multipolaire». En coulisses, un diplomate français s'extasiait sur la mue du Hezbollah et ce nouveau «réservoir» pour la francophonie : «Quand on voit qu'il y a quinze ans, ils enlevaient nos ressortissants ! Ils ont mûri, ce sont des interlocuteurs».La réflexion de ce diplomate français exprime très précisément les motivations de la politique française, à l'extérieur comme à l'intérieur des frontières de l'Hexagone. C'est ce mélange de naïveté et d'arrogance qui explique la décision du CSA en particulier, et la politique arabe de la France en général. Mélange détonant, qui fait croire à des diplomates chevronnés que leur pays est protégé par sa politique étrangère contre le terrorisme du Hezbollah ou d'autres mouvements islamistes. Or, comme le démontre la récente affaire des otages, Chesnot et Malbrunot, il n'en est rien. En effet, l'attitude française est une invitation à de nouvelles prises d'otages et à de nouvelles exigences de la part des mouvements islamistes. Contrairement à ce que pensait ce diplomate en extase, ce n'est pas le Hezbollah qui a mûri, ou mué. Les dirigeants du «Parti de Dieu» ne se sont pas transformés subitement en admirateurs de Montaigne et de Rousseau, par amour de la francophonie. C'est la France, son gouvernement, son Président, ses autorités (CSA et autres) et ses élites politiques qui ont tellement «mûri», qu'ils se trouvent aujourd'hui dans un état avancé de décomposition morale et intellectuelle. «Le poisson pourrit par la tête», dit le proverbe. L'histoire d'amour entre le Hezbollah et le gouvernement français a depuis longtemps dépassé le stade des préliminaires pour atteindre celui des ébats proprement dits, et elle va bientôt donner ses fruits monstrueux. Le discours de Jacques Chirac sur le «monde multipolaire», qui avait tellement plu au chef du «Parti de Dieu» libanais, se traduit à présent en actes et montre sa signification véritable. Comme l'écrivait récemment la journaliste israélienne, Caroline Glick - observatrice très lucide de la scène politique locale et internationale - «l'obsession française de la multipolarité provient de la conception chiraquienne, selon laquelle l'objectif principal de son pays n'est pas de libérer le monde du terrorisme islamique, mais d'affaiblir les Etats-Unis» (2).Il est improbable que l'objectif de Chirac soit atteint, en ce qui concerne l'affaiblissement des Etats-Unis. Mais une chose est, d'ores et déjà, certaine : c'est que sa politique a réussi à transformer la France, autrefois puissance occidentale et «partenaire privilégié» du monde arabo-musulman, en un véritable acteur de celui-ci. Ce qui signifie que la France - et bientôt l'Europe toute entière, peut-être - sont en passe de devenir, sous le regard comblé d'aise des Nasrallah, Assad et autres chefs d'Etat ou de milices arabes, des éléments à part entière du pôle arabo-musulman, au sein du monde «multipolaire» que Chirac appelle de ses vœux. Contrairement à une idée reçue, ce n'est pas l'immigration musulmane en France et en Europe, qui est la cause de cette transformation radicale. En effet, les populations qui pratiquent l'islam en Europe sont d'une extrême diversité sociologique, culturelle et politique. Elles ne sont que très minoritairement engagées dans l'islamisme, cette idéologie politique totalitaire, à laquelle MM. Sarkozy et De Villepin veulent inféoder la totalité de «l'islam de France», en faisant de l'UOIF le «CRIF musulman» (3). La cause de cette transformation, c'est la volonté politique des gouvernements français depuis trois décennies, c'est-à-dire depuis qu'est apparu le projet politique, auquel l'historienne Bat Ye'or a donné le nom d'Eurabia, et dont elle a décrit la généalogie il y a déjà plusieurs années, bien avant que ses premières manifestations n'apparaissent au grand jour (4).C'est Eurabia qui permet de comprendre les décisions politiques, inexplicables autrement - tant elles sont contraires aux intérêts bien compris de la France -, comme la légalisation de la chaîne Al-Manar par le CSA. Eurabia, cela veut dire que l'Europe judéo-chrétienne - que Tariq Ramadan qualifie de «vaste supercherie» - est en train de laisser la place à une Europe musulmane, conformément aux souhaits les plus ardents du Président Chirac. Eurabia, c'est l'acte de décès d'une civilisation millénaire, et d'un pays dans lequel beaucoup de Juifs croyaient, à tort, avoir trouvé une patrie. «La France n'est pas un pays antisémite», répète-t-on, à l'envi, après chaque incendie de synagogue. Non, certes, la France n'est pas (encore) un pays antisémite. Elle est simplement en train de devenir, sous les regards attendris du Président Chirac et du cheikh Hassan Nasrallah, une province cathodique et politique du Hezbollah.© Paul Landau Notes(1) C. Ayad, "Al-Manar TV, une chaîne de guerre", Libération, 2 février 2004. C'est moi qui souligne. Voir aussi Michaël Béhé, "Un sommet où la France favorise ses ennemis et enterre ses amis !", Metula News Agency, 19 février 2002.(2) C. Glick, "H-Hour has arrived", Jerusalem Post, 19 novembre 2004.(3) Voir, à ce sujet, le rapport très éloquent du Centre Simon Wiesenthal, «Le vrai visage de l'UOIF», publié sur Internet, www.wiesenthal.com. (4) Bat Ye'or, Eurabia : The Euro-Arab Axis, Cranbury, NJ Fairleigh Dickinson University Press, 2005. Pour un exposé en français, voir "L'esprit d'Eurabia", www.primo-europe.org.
Il y aurait beaucoup à dire sur l'affaire Al-Manar - la chaîne de télévision du Hezbollah, dont le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) vient d'autoriser la diffusion en France. Cette décision stupéfiante et lourde de conséquences n'a guère suscité de réactions, à ce jour, mis à part la vive protestation du CRIF, qui est sorti de sa réserve habituelle. Pourtant, cet événement en dit long sur l'état de décadence morale de la société et des élites françaises. Dans un article consacré à Al Manar, en février 2004, le journaliste de Libération Christophe Ayad écrivait ces lignes prémonitoires, qui permettent de comprendre, a posteriori, les dessous de la décision du CSA (1) :Al-Manar est allé jusqu'à instaurer un court journal d'actualité en français, à l'occasion du dernier sommet de la Francophonie, en octobre 2002. Hezbollah - Francophonie, une histoire d'amour inattendue ! Hassan Nasrallah, le jeune secrétaire général du «Parti de Dieu», avait assisté, ravi, assis au premier rang avec les officiels libanais, au discours de Jacques Chirac pour un «monde multipolaire». En coulisses, un diplomate français s'extasiait sur la mue du Hezbollah et ce nouveau «réservoir» pour la francophonie : «Quand on voit qu'il y a quinze ans, ils enlevaient nos ressortissants ! Ils ont mûri, ce sont des interlocuteurs».La réflexion de ce diplomate français exprime très précisément les motivations de la politique française, à l'extérieur comme à l'intérieur des frontières de l'Hexagone. C'est ce mélange de naïveté et d'arrogance qui explique la décision du CSA en particulier, et la politique arabe de la France en général. Mélange détonant, qui fait croire à des diplomates chevronnés que leur pays est protégé par sa politique étrangère contre le terrorisme du Hezbollah ou d'autres mouvements islamistes. Or, comme le démontre la récente affaire des otages, Chesnot et Malbrunot, il n'en est rien. En effet, l'attitude française est une invitation à de nouvelles prises d'otages et à de nouvelles exigences de la part des mouvements islamistes. Contrairement à ce que pensait ce diplomate en extase, ce n'est pas le Hezbollah qui a mûri, ou mué. Les dirigeants du «Parti de Dieu» ne se sont pas transformés subitement en admirateurs de Montaigne et de Rousseau, par amour de la francophonie. C'est la France, son gouvernement, son Président, ses autorités (CSA et autres) et ses élites politiques qui ont tellement «mûri», qu'ils se trouvent aujourd'hui dans un état avancé de décomposition morale et intellectuelle. «Le poisson pourrit par la tête», dit le proverbe. L'histoire d'amour entre le Hezbollah et le gouvernement français a depuis longtemps dépassé le stade des préliminaires pour atteindre celui des ébats proprement dits, et elle va bientôt donner ses fruits monstrueux. Le discours de Jacques Chirac sur le «monde multipolaire», qui avait tellement plu au chef du «Parti de Dieu» libanais, se traduit à présent en actes et montre sa signification véritable. Comme l'écrivait récemment la journaliste israélienne, Caroline Glick - observatrice très lucide de la scène politique locale et internationale - «l'obsession française de la multipolarité provient de la conception chiraquienne, selon laquelle l'objectif principal de son pays n'est pas de libérer le monde du terrorisme islamique, mais d'affaiblir les Etats-Unis» (2).Il est improbable que l'objectif de Chirac soit atteint, en ce qui concerne l'affaiblissement des Etats-Unis. Mais une chose est, d'ores et déjà, certaine : c'est que sa politique a réussi à transformer la France, autrefois puissance occidentale et «partenaire privilégié» du monde arabo-musulman, en un véritable acteur de celui-ci. Ce qui signifie que la France - et bientôt l'Europe toute entière, peut-être - sont en passe de devenir, sous le regard comblé d'aise des Nasrallah, Assad et autres chefs d'Etat ou de milices arabes, des éléments à part entière du pôle arabo-musulman, au sein du monde «multipolaire» que Chirac appelle de ses vœux. Contrairement à une idée reçue, ce n'est pas l'immigration musulmane en France et en Europe, qui est la cause de cette transformation radicale. En effet, les populations qui pratiquent l'islam en Europe sont d'une extrême diversité sociologique, culturelle et politique. Elles ne sont que très minoritairement engagées dans l'islamisme, cette idéologie politique totalitaire, à laquelle MM. Sarkozy et De Villepin veulent inféoder la totalité de «l'islam de France», en faisant de l'UOIF le «CRIF musulman» (3). La cause de cette transformation, c'est la volonté politique des gouvernements français depuis trois décennies, c'est-à-dire depuis qu'est apparu le projet politique, auquel l'historienne Bat Ye'or a donné le nom d'Eurabia, et dont elle a décrit la généalogie il y a déjà plusieurs années, bien avant que ses premières manifestations n'apparaissent au grand jour (4).C'est Eurabia qui permet de comprendre les décisions politiques, inexplicables autrement - tant elles sont contraires aux intérêts bien compris de la France -, comme la légalisation de la chaîne Al-Manar par le CSA. Eurabia, cela veut dire que l'Europe judéo-chrétienne - que Tariq Ramadan qualifie de «vaste supercherie» - est en train de laisser la place à une Europe musulmane, conformément aux souhaits les plus ardents du Président Chirac. Eurabia, c'est l'acte de décès d'une civilisation millénaire, et d'un pays dans lequel beaucoup de Juifs croyaient, à tort, avoir trouvé une patrie. «La France n'est pas un pays antisémite», répète-t-on, à l'envi, après chaque incendie de synagogue. Non, certes, la France n'est pas (encore) un pays antisémite. Elle est simplement en train de devenir, sous les regards attendris du Président Chirac et du cheikh Hassan Nasrallah, une province cathodique et politique du Hezbollah.© Paul Landau Notes(1) C. Ayad, "Al-Manar TV, une chaîne de guerre", Libération, 2 février 2004. C'est moi qui souligne. Voir aussi Michaël Béhé, "Un sommet où la France favorise ses ennemis et enterre ses amis !", Metula News Agency, 19 février 2002.(2) C. Glick, "H-Hour has arrived", Jerusalem Post, 19 novembre 2004.(3) Voir, à ce sujet, le rapport très éloquent du Centre Simon Wiesenthal, «Le vrai visage de l'UOIF», publié sur Internet, www.wiesenthal.com. (4) Bat Ye'or, Eurabia : The Euro-Arab Axis, Cranbury, NJ Fairleigh Dickinson University Press, 2005. Pour un exposé en français, voir "L'esprit d'Eurabia", www.primo-europe.org.
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