Analyse: Devant la radicalisation de l'islam, les Néerlandais se voilent la face
L'ANALYSE de Stéphane Kovacs, Journaliste au service Étranger du Figaro.
Ayaan Hirsi Ali, avant de quitter les Pays-Bas, l'été dernier, pour les États-Unis avait lancé : « Je pars, mais les questions sur l'avenir de l'islam dans notre pays demeurent. » Pourtant, avec l'exil de l'ancienne parlementaire d'origine somalienne, égérie du combat contre les intégristes musulmans, les polémiques sur l'islam et l'intégration semblent s'être estompées dans ce pays. Après l'assassinat, en 2002, du populiste Pim Fortuyn, qui qualifiait l'islam de « culture arriérée », puis celui, en 2004, du cinéaste Théo Van Gogh par un islamiste, plus personne n'ose mener de combat public contre l'islamisme.
L'immigration, l'échec du multiculturalisme et les tensions intercommunautaires ont été largement absents de la campagne électorale des législatives de fin novembre. Il y a désormais consensus des principaux partis politiques pour mettre un frein à l'immigration. Les lois très strictes mises en place ces derniers mois par le ministre de l'Intégration, Rita Verdonk, ne sont pas remises en cause.
Mais dans la société néerlandaise, l'inquiétude est toujours sensible. Selon une étude publiée l'été dernier, 63 % des Néerlandais pensent, comme Ayaan Hirsi Ali, que « l'islam est incompatible avec les valeurs occidentales ». Et la moitié d'entre eux affirment « craindre l'islam et son influence sur la société néerlandaise ». Le relatif succès du nouveau Parti de la liberté (9 sièges), créé par Geert Wilders, un ancien libéral qui veut « arrêter l'islamisation des Pays-Bas », reflète ce malaise.
Mais alors que plusieurs groupes terroristes viennent d'être démantelés, que les « crimes d'honneur » font une victime chaque mois dans le pays et qu'une récente étude met en évidence le risque d'une progression de l'islam radical aux Pays-Bas, c'est encore la gedoogcultuur, cette culture de la tolérance poussée jusqu'à la permissivité, qui prévaut. « Le sentiment légitime de culpabilité issu du colonialisme, du racisme, de l'apartheid et de l'Holocauste a engendré une attention exclusive et particulière envers les ethnies et les cultures des communautés minoritaires, diabolisant au passage celles de la majorité autochtone », explique René Cuperus, membre du think-tank du parti travailliste PvdA.
À Rotterdam, les travaillistes, majoritaires au conseil municipal, viennent d'approuver un projet controversé : la construction du premier hôpital islamique d'Europe. Avec des départements séparés pour hommes et femmes. À Utrecht, la commission pour l'égalité des chances vient de donner raison à une jeune musulmane, professeur d'économie, qui refusait de serrer la main des hommes. Le collège qui voulait la renvoyer a été qualifié de « trop ethnocentrique ». Par ailleurs, l'une des principales banques néerlandaises, Rabobank, étudie la possibilité de proposer des « prêts halal », sans intérêts, afin de satisfaire aux préceptes de l'islam. Une institution financière islamique, Bila Riba (« sans intérêts » en arabe), a été créée il y a quelques mois à Leiden. Enfin, pour refléter « l'évolution de la société », un syndicat chrétien propose de remplacer un jour férié chrétien par un jour férié musulman...
« Pourquoi construire cet hôpital islamique alors que les établissements existants proposent déjà, depuis longtemps, nourriture halal et lieux de prière ?, s'étonne Rasit Bal, directeur de l'ISBO, l'organisation qui chapeaute les quarante-sept écoles islamiques du pays. Pourquoi imaginer des prêts sans intérêts alors qu'ailleurs en Europe les musulmans se satisfont des systèmes bancaires occidentaux ? »
Dans un livre paru en septembre, l'ancien ministre de la Justice, le chrétien-démocrate Piet Hein Donner, va plus loin : « Le ton du débat politique ne me plaît pas, affirme-t-il. »Tu t'assimileras, tu adopteras nos normes et nos valeurs, sois raisonnable, fais comme nous.* Ce n'est pas comme cela que j'envisage les choses. » Et dans un élan, semble-t-il, de bonne volonté envers les musulmans, il assure que « si les deux tiers des Néerlandais voulaient introduire la charia, ce serait scandaleux de dire : c'est impossible. C'est la majorité qui compte, voilà l'essence de la démocratie »... Des propos qui ont suscité un tollé, mais qui témoignent du profond désarroi de la classe politique locale envers l'islam.
Le premier vote, le 30 novembre, du nouveau Parlement - où l'extrême gauche est entrée en force - a été l'amnistie générale pour les quelque 26 000 déboutés du droit d'asile, entrés au Pays-Bas avant avril 2001. Au même moment, une pétition s'organisait contre le projet du gouvernement sortant d'interdire le port de la burqa...
Pourtant, les Néerlandais continuent de remettre en cause le modèle multiculturel: ils sont 70 % à penser que les minorités doivent s'adapter à leur culture. Les études montrent que le sentiment xénophobe apparaît surtout dans les grandes villes, chez les femmes et les homosexuels, inquiets de l'intolérance des musulmans.
« L'idée de société multiculturelle est peut-être séduisante aux yeux des immigrants, mais il n'empêche qu'elle a fait beaucoup de dégâts, affirme René Cuperus. Au lieu de contribuer à faire accepter l'immigration, le concept de société multiculturelle alimente dangereusement le ressentiment et la xénophobie des autochtones, allant jusqu'à suggérer que ces derniers ne sont ni plus ni moins qu'une minorité parmi les minorités. »
L'Américain Francis Fukuyama, observateur attentif du système multiculturel outre-Atlantique, met lui aussi en garde : « Je considère que les Européens, notamment les Néerlandais, font la politique de l'autruche. J'ai la conviction que le concept de société multiculturelle est une énorme erreur. Cela n'a pas donné naissance à une société libérale, mais à une série de groupes qui ne se parlent pas. À mon avis, on ne peut pas appeler cela une nation. »
Ayaan Hirsi Ali, avant de quitter les Pays-Bas, l'été dernier, pour les États-Unis avait lancé : « Je pars, mais les questions sur l'avenir de l'islam dans notre pays demeurent. » Pourtant, avec l'exil de l'ancienne parlementaire d'origine somalienne, égérie du combat contre les intégristes musulmans, les polémiques sur l'islam et l'intégration semblent s'être estompées dans ce pays. Après l'assassinat, en 2002, du populiste Pim Fortuyn, qui qualifiait l'islam de « culture arriérée », puis celui, en 2004, du cinéaste Théo Van Gogh par un islamiste, plus personne n'ose mener de combat public contre l'islamisme.
L'immigration, l'échec du multiculturalisme et les tensions intercommunautaires ont été largement absents de la campagne électorale des législatives de fin novembre. Il y a désormais consensus des principaux partis politiques pour mettre un frein à l'immigration. Les lois très strictes mises en place ces derniers mois par le ministre de l'Intégration, Rita Verdonk, ne sont pas remises en cause.
Mais dans la société néerlandaise, l'inquiétude est toujours sensible. Selon une étude publiée l'été dernier, 63 % des Néerlandais pensent, comme Ayaan Hirsi Ali, que « l'islam est incompatible avec les valeurs occidentales ». Et la moitié d'entre eux affirment « craindre l'islam et son influence sur la société néerlandaise ». Le relatif succès du nouveau Parti de la liberté (9 sièges), créé par Geert Wilders, un ancien libéral qui veut « arrêter l'islamisation des Pays-Bas », reflète ce malaise.
Mais alors que plusieurs groupes terroristes viennent d'être démantelés, que les « crimes d'honneur » font une victime chaque mois dans le pays et qu'une récente étude met en évidence le risque d'une progression de l'islam radical aux Pays-Bas, c'est encore la gedoogcultuur, cette culture de la tolérance poussée jusqu'à la permissivité, qui prévaut. « Le sentiment légitime de culpabilité issu du colonialisme, du racisme, de l'apartheid et de l'Holocauste a engendré une attention exclusive et particulière envers les ethnies et les cultures des communautés minoritaires, diabolisant au passage celles de la majorité autochtone », explique René Cuperus, membre du think-tank du parti travailliste PvdA.
À Rotterdam, les travaillistes, majoritaires au conseil municipal, viennent d'approuver un projet controversé : la construction du premier hôpital islamique d'Europe. Avec des départements séparés pour hommes et femmes. À Utrecht, la commission pour l'égalité des chances vient de donner raison à une jeune musulmane, professeur d'économie, qui refusait de serrer la main des hommes. Le collège qui voulait la renvoyer a été qualifié de « trop ethnocentrique ». Par ailleurs, l'une des principales banques néerlandaises, Rabobank, étudie la possibilité de proposer des « prêts halal », sans intérêts, afin de satisfaire aux préceptes de l'islam. Une institution financière islamique, Bila Riba (« sans intérêts » en arabe), a été créée il y a quelques mois à Leiden. Enfin, pour refléter « l'évolution de la société », un syndicat chrétien propose de remplacer un jour férié chrétien par un jour férié musulman...
« Pourquoi construire cet hôpital islamique alors que les établissements existants proposent déjà, depuis longtemps, nourriture halal et lieux de prière ?, s'étonne Rasit Bal, directeur de l'ISBO, l'organisation qui chapeaute les quarante-sept écoles islamiques du pays. Pourquoi imaginer des prêts sans intérêts alors qu'ailleurs en Europe les musulmans se satisfont des systèmes bancaires occidentaux ? »
Dans un livre paru en septembre, l'ancien ministre de la Justice, le chrétien-démocrate Piet Hein Donner, va plus loin : « Le ton du débat politique ne me plaît pas, affirme-t-il. »Tu t'assimileras, tu adopteras nos normes et nos valeurs, sois raisonnable, fais comme nous.* Ce n'est pas comme cela que j'envisage les choses. » Et dans un élan, semble-t-il, de bonne volonté envers les musulmans, il assure que « si les deux tiers des Néerlandais voulaient introduire la charia, ce serait scandaleux de dire : c'est impossible. C'est la majorité qui compte, voilà l'essence de la démocratie »... Des propos qui ont suscité un tollé, mais qui témoignent du profond désarroi de la classe politique locale envers l'islam.
Le premier vote, le 30 novembre, du nouveau Parlement - où l'extrême gauche est entrée en force - a été l'amnistie générale pour les quelque 26 000 déboutés du droit d'asile, entrés au Pays-Bas avant avril 2001. Au même moment, une pétition s'organisait contre le projet du gouvernement sortant d'interdire le port de la burqa...
Pourtant, les Néerlandais continuent de remettre en cause le modèle multiculturel: ils sont 70 % à penser que les minorités doivent s'adapter à leur culture. Les études montrent que le sentiment xénophobe apparaît surtout dans les grandes villes, chez les femmes et les homosexuels, inquiets de l'intolérance des musulmans.
« L'idée de société multiculturelle est peut-être séduisante aux yeux des immigrants, mais il n'empêche qu'elle a fait beaucoup de dégâts, affirme René Cuperus. Au lieu de contribuer à faire accepter l'immigration, le concept de société multiculturelle alimente dangereusement le ressentiment et la xénophobie des autochtones, allant jusqu'à suggérer que ces derniers ne sont ni plus ni moins qu'une minorité parmi les minorités. »
L'Américain Francis Fukuyama, observateur attentif du système multiculturel outre-Atlantique, met lui aussi en garde : « Je considère que les Européens, notamment les Néerlandais, font la politique de l'autruche. J'ai la conviction que le concept de société multiculturelle est une énorme erreur. Cela n'a pas donné naissance à une société libérale, mais à une série de groupes qui ne se parlent pas. À mon avis, on ne peut pas appeler cela une nation. »
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