Friday, October 27, 2006

Le journal danois qui avait publié les caricatures de Mahommet a été acquitté

LEMONDE.FR avec AFP 26.10.06
L'affaire avait fait grand bruit. En septembre 2005, le quotidien danois Jyllands-Posten publiait douze caricatures controversées du prophète Mahomet. L'une d'elles, notamment, montrait le Prophète coiffé d'un turban en forme de bombe et à la mèche allumée. D'autres journaux dans le monde les avait alors reproduites, et très rapidement cette histoire avait embrasé le monde musulman.

La décision qu'a rendue, jeudi 26 octobre, un tribunal danois donne, plus d'un an après, raison au journal. En effet, le juge du tribunal d'Aarhus, dans le centre du Danemark, a acquitté les responsables du Jyllands-Posten, estimant que ces dessins n'étaient pas offensants ou n'avaient pas pour but d'être dégradants à l'égard des musulmans, selon les attendus de la cour. "Même si le texte accompagnant ces dessins peut être lu comme un appel au mépris et à la dérision, les caricatures n'ont pas de caractère offensant", a indiqué le tribunal.

Sept associations musulmanes au Danemark avaient intenté, en mars, un procès pour injures contre le rédacteur en chef du quotidien, Carsten Juste, et contre le responsable des pages culturelles du journal, Flemming Rose, pour avoir publié un texte et des dessins qu'elles estimaient "offensants et injurieux" contre le Prophète. Les plaignants considéraient que ces dessins portaient "atteinte à leur honneur de croyants, car ils représentent le Prophète comme belliqueux et criminel, et établissent un lien clair entre Mahomet, la guerre et le terrorisme". Jeudi, le porte-parole des plaignants, Kasem Said Ahmad, a rappelé que le but de ce procès était, "en faisant condamner le Jyllands-Posten, de gagner une compréhension à [la] cause [des musulmans] dans la société", estimant qu'"on doit tenir compte de nos sentiments et de nos icônes religieuses".

LES ASSOCIATIONS VONT FAIRE APPEL
Très déçu par ce verdict, M. Ahmad a déclaré que "le tribunal a donné le droit au Jyllands-Posten de porter atteinte aux musulmans et à leurs sentiments, et de [les] lier au terrorisme". Il a souligné que les associations allaient faire appel de ce jugement. "Nous allons exploiter toutes les possibilités que nous avons dans un Etat de droit pour casser ce jugement", a-t-il indiqué, cité par l'agence Ritzau. Il s'attend à ce que cet acquittement crée des "troubles" parmi les musulmans au Danemark et à l'étranger, non sous forme de manifestations, mais en "brouillant l'esprit des gens".

Ce jugement en faveur du Jyllands-Posten intervient après deux rejets du procureur régional et du procureur du royaume de plaintes d'associations musulmanes contre ce journal pour avoir enfreint, selon les plaignants, la loi sur le blasphème et le racisme.

L'histoire des caricatures de Mahomet avait enflammé début 2006 le monde musulman. Au Pakistan, en Iran, en Indonésie, en Libye ou encore au Nigeria, des manifestants avaient brûlé des drapeaux du royaume, proféré des menaces à l'encontre des Danois et dans certains cas, s'en étaient violemment pris aux représentations diplomatiques danoises. Plusieurs dizaines de manifestants avaient trouvé la mort dans ces rassemblements de rue.

Wednesday, October 25, 2006

Les mille et une colères des musulmans de Sa Majesté

LE MONDE
Envoyée spéciale à Londres
Contrairement à ce que dit le proverbe, il faut se fier aux apparences. Citoyenne britannique d'ascendance bangladaise, Radhia Tarafder, 38 ans, native de Bradford, l'a compris depuis belle lurette. Elle a "plusieurs cultures" et elle en tire fierté. En riant, elle montre sa garde-robe : des saris sont accrochés aux cintres de la penderie, à côté des jeans, des shalwar (pantalons bouffants), des kamiz (tuniques), des robes et même d'une burqa. "Je la porte lors des réunions religieuses", explique la jeune musulmane, dont le père est membre d'une tabligh jamaat (cercle piétiste) "proche du soufisme".

Ainsi vont les enfants du multiculturalisme à l'anglaise. Du moins certains d'entre eux. Le père de Radhia, originaire d'un village de l'est du Bangladesh, a été embauché comme ouvrier dans les filatures de Bradford. Il est aujourd'hui à la retraite. Son histoire ressemble à celles du livre du photographe Tim Smith, Here to stay, Bradford's South Asian Communities (Bradford Libraries, 1994), qui décrit l'installation des émigrés de l'ancien empire britannique dans cette cité fleuron de l'industrie textile anglaise. Le vieil homme et son épouse vivent à deux rues de chez leur fille, dans le quartier résidentiel d'Heaton, sur les hauts de la ville.

Ce matin d'octobre, dans sa maison à un étage, bordée de l'inévitable carré de gazon, Radhia prépare le café. Elle est en tee-shirt et pantalon, cheveux défaits. Elle dit les choses sans fausse pudeur. Mariée, puis divorcée, Radhia a longtemps porté un hidjab, le voile qui laisse voir le visage. "Maintenant que j'assume ma sexualité, je n'en ai plus besoin. Si les hommes ne sont pas capables de voir autre chose, chez une femme, que son cul ou ses seins, ce n'est pas mon problème." Sur un mur de la cuisine sont scotchés quelques dessins de ses deux garçons, âgés de 10 et 12 ans, représentant des joueurs du club de foot local - de grands gaillards à la peau blanche.

Ce n'est pourtant pas pour ses footballeurs que Bradford, située dans l'ouest du Yorkshire, est connue. Les émeutes raciales de juillet 2001 sont dans toutes les mémoires : elles avaient opposé, une nuit durant, policiers et jeunes "Asiatiques", comme on dit ici, soucieux d'en découdre avec les crânes rasés du British National Party (BNP, extrême droite). Les émeutes sont loin, mais les migrants sont toujours là. Bradford, ville ouvrière d'un demi-million d'habitants, compte "la plus grande concentration de Pakistanais" d'Angleterre et du pays de Galles, a rapporté la presse londonienne, citant le recensement de 2001, publié par l'Office national des statistiques - le premier à fournir les appartenances religieuses et ethniques de la population britannique.
A Bradford, 73 % de la population d'origine étrangère est d'ascendance pakistanaise. C'est le cas du maire, Choudary Rangzeb. Sur les ondes de la radio communautaire Bradford Community Broadcast (www.bcbradio.co.uk), lancée en 1992, les langues étrangères composent un incroyable patchwork. "Outre l'anglais, nous avons des émissions en ourdou, en pendjabi, en farsi, en kurde, en français, en irlandais, en arabe et, depuis peu, en polonais", explique Mary Dowson, patronne de la station. Creuset d'incessantes migrations, Bradford n'a rien d'un fleuve tranquille. "Ce serait idiot de nier qu'il y a des tensions", observe Mary Dowson. "A Bradford, on vit dans l'entre-soi, la ségrégation est la règle." Les initiatives locales visant, à l'instar de la BCB, à créer des "passerelles" entre communautés se sont certes multipliées ces dernières années. Mais, à lire les petites annonces de l'Asian Express, journal régional, on mesure le (long) chemin qui reste à parcourir : femmes et hommes se présentent invariablement comme musulmans, l'élu (e) de leur coeur se devant de l'être aussi. Certains vont jusqu'à préciser leur préférence pour un (e) sunnite - plutôt qu'un (e) chiite - et indiquent la région d'origine de l'âme soeur en devenir...

"En 2001, les jeunes émeutiers protestaient en tant qu'Asiatiques, fils d'immigrés. Aujourd'hui, ils s'expriment en tant que musulmans", observe Radhia Tarafder. Les poseurs de bombes du 7 juillet 2005 (56 tués et 700 blessés dans les rues de Londres) pas plus que les participants présumés au complot déjoué le 10 août 2006, qui visait, selon la police, à faire exploser en plein vol plusieurs avions à destination des Etats-Unis, ni aucun de ces jeunes "guerriers" "qui passent leur temps à regarder les chaînes de télévision et les cassettes vidéo des fanatiques islamistes" ne suscitent sa sympathie.

Il n'empêche. "Je me sens en colère, oh yes !", lance la mère de famille, qui tempête contre les "séquelles du préjugé orientaliste" dans la société britannique et fustige le président américain George W. Bush, "qui parle comme un croisé de l'ancien temps". A l'école, l'un de ses fils s'est fait "traiter de terroriste" par des copains de classe. Et le plus jeune, après les arrestations massives effectuées en août, a avoué à sa mère qu'il "avait peur que la police ne vienne à la maison", pour les embarquer, eux aussi.
Le racisme et le mépris auxquels Radhia Tarafder, comme l'immense majorité des "pakis" du Royaume-Uni, a été confrontée dès l'enfance - expérience dont rend compte, avec un humour acide, le romancier Imran Ahmad, dans Unimagined, a Muslim Boy Meets the West (Aurum, Londres, 2006) -, sont loin d'avoir disparu. "Pour mes enfants, je crains que les temps à venir ne soient plus durs encore. A force de dépeindre les musulmans comme des monstres, on nous a déshumanisés", s'insurge-t-elle.

Dans son minuscule bureau, au premier étage de la mosquée de Church Road, dans le quartier londonien d'Acton, Daud Abdallah, secrétaire général du Conseil musulman de Grande-Bretagne, ne décolère pas, lui non plus. Le vieil homme, originaire des Caraïbes, fulmine contre l'"islamophobie galopante" des tabloïds et dénonce les lois antiterroristes, qui, selon lui, visent "principalement les musulmans". Créé en novembre 1997, le Conseil musulman britannique assure fédérer plus de 400 associations et institutions islamiques.

"Depuis 2001, près d'un millier de musulmans ont été arrêtés. Alors que moins de cinquante d'entre eux ont finalement été inculpés !", s'exaspère M. Abdallah. "Pourquoi ne tire-t-on pas les leçons de l'Irlande ?", s'étonne-t-il, comparant la répression exercée hier à l'encontre des catholiques d'Irlande du Nord à celle qui frapperait aujourd'hui les musulmans de la Couronne. Liberty, l'association nationale de défense des droits humains, se fait l'écho de cette opinion et s'alarme de voir "sacrifiés", au nom de la lutte contre le terrorisme, les droits élémentaires de la personne. L'association cite la durée de la détention préventive, étendue par le gouvernement de Tony Blair de quatorze à vingt-huit jours. Ou le "control order", institué en 2005, sorte d'assignation à résidence extrêmement contraignante, imposée à tous les étrangers considérés comme "suspects" par les autorités.

Mais, tandis que les dirigeants du Conseil musulman réclament à grands cris un renforcement de la législation, afin de "protéger" l'islam et les musulmans des "attaques" dont ils les jugent victimes, Liberty s'inquiète des risques d'une dérive pénale "menaçant gravement" la liberté de débattre. La récente polémique sur le port du niqab (grande pièce de tissu noir qui masque intégralement le corps et le visage des femmes sauf leurs yeux), déclenchée la semaine passée par l'ancien ministre Jack Straw, a mis en lumière, de façon crue, les antagonismes aujourd'hui à l'oeuvre dans la société britannique.

Chef du groupe parlementaire travailliste à la Chambre des communes, M. Straw avait raconté, le 5 octobre, dans le quotidien régional Lancashire Telegraph, comment il se sentait "mal à l'aise" quand il avait à discuter avec des femmes en niqab. L'article, assez anodin de prime abord, avait provoqué la fureur de certains dirigeants musulmans. Le premier ministre Tony Blair est venu au secours de son ancien ministre, le 18 octobre, estimant que le niqab est effectivement une "marque de séparation" et que la société britannique devait "débattre" de ces questions.

"Moi-même, je ne suis pas favorable à ce que les femmes aient le visage entièrement caché. Mon épouse, par exemple, se couvre simplement les cheveux..." L'homme qui parle, assis dans le salon de son modeste appartement d'un immeuble populaire du nord de Londres, a été classé par le Times parmi les quatre "prêcheurs de haine" les plus virulents de la galaxie islamiste britannique. Tandis que sa femme - effectivement coiffée du hidjab - sert le thé, Azzam Tamimi explique d'une voix douce les désavantages du niqab, qui "vient d'Arabie saoudite (...). C'est une question de culture, dit-il, pas de religion. Il y a débat là-dessus au sein de l'oumma (la communauté des croyants). Mais on n'a pas à mettre ce débat à la "une" du Sun ou du Daily Mirror !, s'offusque-t-il. Nous, on ne se mêle pas des affaires du christianisme..."

Habile, le Dr Tamimi semble également d'accord avec tout le monde pour condamner les attentats de juillet 2005 et leurs auteurs, de jeunes Britanniques nés au Royaume-Uni, apparemment bien intégrés. D'accord avec tout le monde, mais jusqu'à un certain point. "Cette tragédie a servi tous ceux qui disent : le danger vient de l'intérieur... Mais c'est faux !, assène-t-il. Si le Royaume-Uni n'était pas allé faire la guerre en Irak, il n'y aurait jamais eu d'attentat !" Ce point de vue est très largement partagé dans les cercles islamistes - et souvent au-delà.
Le terrorisme n'est pas un problème pour les musulmans, c'est une création de l'Occident", écrit l'activiste Iftikhar Ahmad dans le journal The Voice, destiné à la communauté noire. "C'est la politique étrangère de Tony Blair qui nourrit la frustration des musulmans. Comment les croire, lui et George Bush, quand ils disent qu'ils font la guerre en Irak pour y mettre la démocratie ? Pourquoi ils ne l'installent pas au Pakistan, la démocratie ? Ou en Arabie saoudite ?" Farouk Valimahomed, homme d'affaires et secrétaire général d'une des mosquées du quartier de Tooting, au sud de Londres, approuve : "Que le Royaume-Uni change sa politique étrangère, et vous verrez le terrorisme disparaître comme un nuage noir dans le ciel."

Omar Ben Yedder, chemise rose pâle, visage imberbe, a beau être né à Londres, il ne se sent "pas 100 % britannique". Croyant laïque, mais respectueux du jeûne du ramadan, qu'il observe, ce cadre supérieur de 31 ans sait bien qu'il n'a "pas un physique de musulman". La longue barbe et le niqab, très peu pour lui ! "Je me sens plus proche d'un juif tunisien que d'un Pakistanais musulman", sourit-il. Pour ce jeune homme d'ascendance maghrébine, c'est "la politique étrangère" de Tony Blair et la manière dont les tabloïds "déforment" les faits qui, souvent, le "mettent en colère. Pas du tout la société britannique, au sein de laquelle, assure-t-il, un Pakistanais sans bagage a plus de chances de réussir qu'un Français de souche dans la banlieue de Paris". A l'en croire, "la source des tensions, ce n'est pas la minijupe, l'alcool ou la culture américaine. Le problème, c'est Israël et la Palestine. Quand on l'aura réglé, les gens n'auront plus de raison de râler et moins encore de poser des bombes."

Certains observateurs de la scène britannique parlent d'un "divorce" entre le New Labour et les musulmans du royaume - qui représentent 1,6 à 2 millions de personnes, soit moins de 3 % de la population totale. Mais Tariq Ramadan, conseiller auprès du gouvernement et professeur à l'université d'Oxford, nuance ce jugement. La politique étrangère, et en particulier la question de l'Irak, est au "coeur des tensions", admet-il. Elle ne constitue pas cependant "à elle seule" la raison du "malaise". Des "causes nationales" existent, souligne M. Ramadan, évoquant le matraquage des journaux à sensation - qui ciblent systématiquement les incidents ou faits divers impliquant des musulmans -, mais dénonçant aussi l'attitude de "certains dirigeants" islamiques, qui "nourrissent et aggravent le sentiment victimaire" de leurs coreligionnaires.

En colère, les musulmans ? "Malheureux, plutôt", estime Hazem Saghieh, éditorialiste au quotidien londonien de langue arabe El Hayat. Par leurs vêtements ou leurs positions rétrogrades, ils "s'autostigmatisent" souvent. Surtout, "beaucoup ne sont pas réconciliés avec ce monde créé par des non-musulmans, un monde moderne dans lequel leur participation est minimale. Ce n'est pas facile de vivre en invités..."

Un chroniqueur du Guardian a récemment révélé que, depuis 2005, les charcutiers musulmans étaient confrontés, au moment du ramadan, à un véritable rush sur la saucisse halal. "Le soir, à la rupture du jeûne, les gens mangent des plats "asian" : samosas, pakoras, etc. Mais, le matin, tout le monde veut un breakfast à l'anglaise, avec haricots, toasts et saucisses", témoigne le propriétaire d'un supermarché pakistanais. "Nous ne perdons pas notre culture, nous sommes en train d'en créer une nouvelle", confirme le patron du Cafe Lahore, un restaurant réputé de Bradford. Après tout, n'est-ce pas outre-Manche qu'on a inventé le cocktail ?
Catherine Simon

Sunday, October 22, 2006

Les Pays-Bas veulent interdire le port de la burqa

LE MONDE 21.10.06 12h14 •
Le débat sur le port du voile islamique, qui avait valu à la France de vives critiques, prend de l'ampleur en Europe. S'il avait été mené en France au nom de la laïcité, il est lié, dans les autres pays, aux problèmes d'intégration rencontrés avec certaines communautés de religion musulmane.

Le gouvernement de Tony Blair vient de rompre avec un tabou outre-Manche, en s'interrogeant sur le bien fondé de marquer sa différence en obligeant les femmes à porter des vêtements qui cachent totalement leur visage, comme le niqab ou la burqa.

Cette interrogation n'est pas le seul fait des sociétés européennes. En Egypte, le doyen de l'université de Helwan, près du Caire, vient de relancer la polémique en bannissant récemment le niqab, voile qui ne laisse apparaître que les yeux, du foyer de sa résidence universitaire.
Le Parlement des Pays Bas a eu, jeudi 19 octobre, un débat sur l'attitude à adopter. La ministre de l'immigration et de l'intégration, Rita Verdonk, y a estimé qu'il fallait prévenir le port, dans les lieux publics, de la burqa - qui couvre intégralement le corps, y compris les yeux - tout comme celui d' "autres voiles couvrant le visage".

Une majorité de députés s'était ralliée, dès décembre 2005, à une proposition de Geert Wilders, dissident du parti libéral VVD et fondateur d'un nouveau parti populiste, le Parti pour la liberté (PVV), afin d'interdire totalement la burqa. Adversaire résolu de l'islam radical, M. Wilders, plusieurs fois menacé de mort, vit sous haute protection.
Convoquée par les députés pour s'expliquer sur les lenteurs du gouvernement dans ce dossier, Mme Verdonk a promis d'agir dès qu'elle serait en possession du rapport demandé à une commission d'experts composée de juristes, d'un islamologue et d'un imam, et qui doit lui être remis le 7 novembre. Elle a déclaré, à titre personnel, qu'elle se prononçait contre le port d'un vêtement qui, dit-elle, n'a pas sa place dans une société "où les gens doivent pouvoir se regarder dans les yeux".

Selon la ministre, la burqa est un obstacle à une bonne intégration.
Traduisant les réticences d'une partie du courant chrétien démocrate, hostile à toute entrave à la liberté religieuse, le ministre de la justice, Ernst Hirsch Ballin, a indiqué que les experts s'étaient vus confier une mission plus large que la simple étude des moyens légaux d'interdiction.
Mais sa collègue Maria van der Hoeven, titulaire du portefeuille de l'enseignement, s'est clairement prononcée contre le port de vêtements trop couvrants pour les étudiantes comme les enseignantes. La ministre est soutenue par l'Union des universités (VSNU).

Le débat actuel est influencé par celui qui a eu lieu dans la Flandre voisine. Le parlement régional de cette région belge a voté, en 2004, une motion interdisant le port du voile intégral, estimant que toute personne circulant sur la voie publique devait pouvoir être identifiée.

En Allemagne, la polémique a été relancée le 15 octobre dans l'édition dominicale du quotidien Bild par des personnalités politiques d'origine turque qui ont exhorté les femmes musulmanes vivant dans le pays à "enlever le voile" pour mieux s'intégrer à la société.

"Rejoignez le monde actuel, rejoignez l'Allemagne, c'est ici que vous habitez", avait plaidé, notamment, Ekin Deligöz, une élue Verte au Bundestag. Selon une autre députée, la social-démocrate Lale Akgün, marcher dans la rue sans porter le voile n'est pas un "péché", c'est une question d' "égalité des droits" entre l'homme et la femme.
Depuis, Mme Deligöz a reçu des lettres de menaces et des courriels au ton désobligeant émanant, selon elle, "à 90 % d'hommes". Plusieurs organisations représentant une vision traditionnelle de l'islam ont dénoncé cette initiative, défendue par des responsables politiques allemands.
"Je vois le voile comme un signe politique d'isolement, voire d'oppression lorsqu'il est imposé aux jeunes filles et aux femmes", acommenté la secrétaire d'Etat à l'intégration, la chrétienne-démocrate Maria Böhmer (CDU).
Jean-Pierre Stroobants (Bruxelles) et Antoine Jacob (Berlin)

Saturday, October 21, 2006

Multiplication des agressions islamistes contre des gynecologues

Les agressions de deux gynécologues-obstétriciens qui assistaient dans des hôpitaux parisiens des femmes musulmanes qui mettaient au monde leur enfant a provoqué vendredi de vives réactions dans les milieux politiques, religieux et hospitaliers français. Le Collège national des gynécologues et obstétriciens de France (CNGOF) avait dénoncé jeudi «l'intégrisme musulman» à l'hôpital, affirmant que deux gynécologues-obstétriciens parisiens, avaient été agressés physiquement et blessés, dans leur service hospitalier, par les maris de ces patientes, au motif qu'en tant que médecins hommes ils ne devaient pas examiner leurs femmes». Les deux médecins auraient porté plainte pour coups et blessures. Selon le journal Le Parisien, la première affaire est survenue en 2003 à l'hôpital de intercommunal de Montreuil (banlieu est). La seconde concerne un professeur de l'hôpital Robert-Debré à Paris le 9 septembre 2006, selon la direction de l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP). Le ministre français de la Santé, Xavier Bertand, a exprimé son «indignation» dans une lettre adressée au Président du CNGO, Jacques Lansac. M. Bertand y a notamment estimé que «tous les patients doivent absolument être traités de la même façon quelles que puissent être leurs croyances religieuses, le libre choix exercé par le malade ne doit en aucun cas perturber la dispensation des soins, compromettre les exigences sanitaires, voire créer des désordres persistants.»
Vendredi soir, le recteur de la Mosquée de Paris Dalil Boubakeur, également président du Conseil français du culte musulman (CFCM), a déclaré à l'AFP qu'il refusait «la talibanisation de l'islam de France», après ces agressions. «Je dénonce et condamne l'utilisation abusive de la religion et l'attitude qui, sous prétexte de religion, consiste à agresser un médecin», a déclaré M. Boubakeur, lui-même médecin et vice-président du Conseil de l'Ordre des médecins.

Tuesday, October 17, 2006

Un homme arrêté pour avoir menacé de mort Robert Redeker

LEMONDE.FR avec AFP 17.10.06 15h55 • Mis à jour le 17.10.06 16h03
Un homme a été interpellé et placé en garde à vue, lundi 16 octobre, à Orléans, pour avoir adressé par courriel une menace de mort au professeur de philosophie Robert Redeker. Cette arrestation a été révélée, mardi à l'AFP, par une source judiciaire. De nombreuses menaces de mort pareilles à celle-ci ont été envoyées à M. Redeker depuis la parution d'une tribune très critique envers l'islam dans les pages du Figaro, intitulée "Face aux intimidations islamistes, que doit faire le monde libre ?" C'est la première fois que la police parvient à mettre la main sur l'un des auteurs de ces menaces.

L'homme a été gardé 24 heures en garde à vue dans les locaux de la direction de la surveillance du territoire (DST). La section antiterroriste du parquet de Paris a décidé de dessaisir celle-ci au profit du parquet d'Orléans, car le caractère terroriste des faits reprochés au suspect n'a pu être établi. Les policiers de la DST vont donc passer le relais à leur collègues de la direction interrégionale de la police judiciaire (DIPJ) d'Orléans.

UNE ENTREPRISE "INDIVIDUELLE"
Cet homme de 25 ans, employé comme téléopérateur dans une société implantée à Orléans, a été arrêté après avoir envoyé le 29 septembre un courriel contenant une "menace de mort" dans la boîte mail du professeur de philosophie. Les policiers sont parvenus à remonter jusqu'à lui avant de l'interpeller lundi au matin. Il devrait être poursuivi pour "menaces aggravées", des faits pour lesquels il encourt cinq années de prison. Selon les enquêteurs, il s'agit pour cet homme d'une entreprise "individuelle et non pas terroriste".

Robert Redeker est sous la protection des forces de gendarmerie depuis la publication de cette tribune, le 19 septembre. Les menaces précises et les attaques personnelles dont il est victime l'ont contraint à quitter son domicile et à cesser d'assurer ses cours.

Sunday, October 01, 2006

DE L'AFFAIRE RUSHDIE A L'AFFAIRE REDEKER

Moins de vingt ans séparent l'affaire Redeker de l'affaire Rushdie. Dans les deux cas, un homme seul a été jeté en pâture et frappé par une "fatwa de mort", pour avoir exprimé des idées iconoclastes sur l'islam. On mesure, en comparant les réactions aujourd'hui et il y a 17 ans et le sort réservé aux deux hommes, comment a évolué la situation morale et politique de l'Occident.

L'affaire Rushdie, on s'en souvient, avait commencé par des manifestations et des démarches politique, menées par les associations musulmanes du Royaume-Uni, visant à faire interdire le livre de Rushdie, Les versets sataniques. Mais c'est lorsque l'ayatollah Khomeyni s'empara de l'affaire, en lançant sa fatwa contre Rushdie, qu'il lui donna un retentissement international. Gilles Kepel a analysé la portée immense de l'acte politico-juridique par lequel Khomeyni a condamné Rushdie, en étendant le champ d'application de sa fatwa au monde entier :

"Par son coup d'éclat, Khomeyni faisait de la terre entière sa juridiction : non seulement il s'imposait symboliquement aux chi'ites comme aux sunnites, dépassant le territoire du seul Iran, mais il jugeait de son ressort les populations émigrées en Europe, les intégrant du même coup dans le "domaine de l'islam". Ce double bouleversement eut des conséquences majeures dans les rapports de force au sein du monde musulman et dans les perceptions réciproques entre celui-ci et l'Occident 1".

Menacé, pourchassé, Rushdie est devenu le symbole de l'intellectuel et de l'homme de plume victime de l'obscurantisme et de l'intolérance. Depuis lors, les fatwas de mort se sont multipliées, l'islam politique a poursuivi ses menées conquérantes et la révolution khomeyniste a fait école dans le monde entier, depuis le Hezbollah libanais jusqu'au Hamas palestinien.

Mais c'est en Europe que l'islamisme a marqué le plus de points, tant politiquement que symboliquement, comme le faisait remarquer Kepel dans son livre Jihad. A cet égard, nous vivons toujours les conséquences de l'affaire Rushdie et de la fatwa de l'ayatollah Khomeyni. En étendant le "dar al-islam" - le domaine de l'islam - à la terre toute entière, et notamment à l'Europe, ce dernier a bouleversé la situation juridique et politique des Musulmans d'Europe.

Aussi lucide soit-elle, l'analyse de Kepel néglige pourtant un aspect important, en se focalisant presque exclusivement sur le rôle de Khomeyni. En effet, bien avant lui, d'autres théoriciens de l'islamisme avaient pressenti que l'avenir de l'islam se jouerait en Occident, et principalement en Europe. C'est le cas de Said Ramadan, dirigeant des Frères musulmans et fondateur de l'Internationale islamiste des Frères, qu'il a implantée en Europe.

C'est aussi le cas d'un dirigeant islamiste charismatique et mal connu en Occident, le cheikh Youssouf Qaradawi. Proche des Frères musulmans - qui l'ont un moment pressenti pour être leur dirigeant - ce prédicateur d'origine égyptienne est installé au Qatar, d'où il anime une émission très regardée sur Al-Jazira, "La charia et la vie". Il s'est rendu célèbre en autorisant par ses fatwas les attentats-suicides commis contre des civils en Israël, y compris par des femmes-kamikazes.

Considéré parfois à tort comme un "islamiste modéré", Qaradawi est notamment l'organisateur de la collecte du Hamas en Europe, par un réseau d'associations implantées sur le continent européen, et en France notamment (le CBSP) et le fondateur du CEFR (Conseil européen de la Fatwa et de la Recherche), instance juridico-politique qui tente de transformer les populations musulmanes installées sur le sol européen en cheval de Troie de l'islamisme.

Or c'est ce même Qaradawi qui est l'instigateur de l'affaire Redeker. Dans une émission diffusée sur Al-Jazira au mois de septembre, il a en effet dénoncé les récents propos du Pape sur l'islam, et a condamné dans la foulée plusieurs journaux occidentaux, coupables à ses yeux d'avoir publié des articles hostiles à l'islam. Parmi ceux-ci figurait Le Figaro, incriminé en raison de la tribune de Robert Redeker, auquel Qaradawi reprochait d'avoir comparé le Prophète à un "bandit de grand chemin 2".

"Face aux intimidations islamistes, que doit faire le monde libre?", s'interrogeait le philosophe dans son article. La réponse qui lui a été donnée est éloquente à plusieurs égards. Les réactions en France témoignent de l'état de dhimmitude avancé dans lequel se trouvent aujourd'hui la société française et ses élites. Loin de prendre la défense du professeur menacé de mort, le ministre de l'Education nationale, Gilles de Robien, a ainsi estimé que Redeker avait "manqué à son devoir de réserve" en critiquant l'islam, tandis que plusieurs élèves du lycée de Toulouse dans lequel celui-ci enseignait ont justifié implicitement la fatwa dont leur professeur était victime, en déclarant aux journalistes qu'il avait "été trop loin".

D'autres faits récents témoignent de cette situation de dhimmitude des élites françaises, que l'affaire Redeker vient subitement de révéler au grand jour. On en donnera un seul exemple, qui concerne le monde de l'édition. Tariq Ramadan, petit-fils du fondateur des Frères musulmans Hassan al-Banna, et figure emblématique de la mouvance islamiste en Europe, est aujourd'hui privé de visa d'entrée aux Etats-Unis, en raison de son activité militante et des contributions qu'il a faites au CBSP, organe de collecte du Hamas en Europe, inscrit par les Etats-Unis sur la liste des organismes qui financent le terrorisme.

Mais Ramadan, tout comme Qaradawi, reste persona grata en France. Mieux, il y est considéré comme un intellectuel important, et les portes des grands médias lui sont ouvertes. Jusqu'à présent, cet auteur prolixe publiait chez des maisons d'édition spécialisées musulmanes, comme les éditions Tawhid de Lyon (qui éditent les grands noms de l'islamisme, de Qotb à Qaradawi). On se souvient de l'affaire de la cassette antisémite du prédicateur Hassan Iquioussen, qui avait fait quelques remous : elle est diffusée par les éditions Tawhid.

Mais Ramadan a désormais un éditeur parisien, non musulman, qui appartient au landernau de l'édition française : les éditions de l'Archipel. Celles-ci avaient déjà publié un livre d'entretiens avec Ramadan, en 2005. Elles récidivent aujourd'hui en publiant sa biographie du Prophète Mahomet. Loin d'être anecdotique, cela illustre l'évolution des élites intellectuelles françaises, face à la vague montante de l'islamisme.

D'un côté, un intellectuel islamiste, au sourire séducteur, qui publie une biographie du prophète, chez un grand éditeur parisien. De l'autre côté, un professeur de philosophie de province, qui est menacé de mort pour avoir parlé librement de ce même prophète. Entre la raison occidentale vacillante et la foi musulmane conquérante, entre le philosophe rationaliste et le prédicateur islamiste, entre Redeker et Ramadan, une certaine élite française a déjà fait son choix.
Paul Landau
Notes
1. G. Kepel, Jihad, p.298, Gallimard 2003.
2. Voir Gulf Times, "Qaradawi urges boycott of the Vatican", 26 septembre 2006.