Sunday, December 31, 2006

Les musulmans veulent prier dans la "mezquita" de Cordoue

LE MONDE 30.12.06
MADRID CORRESPONDANTE
Benoît XVI a ranimé les ardeurs des musulmans andalous désireux de pouvoir prier à la mosquée-cathédrale de Cordoue. Prenant exemple de l'image du pape en prière à la mosquée Bleue, au côté du Grand Mufti d'Istanbul, au cours de son voyage en Turquie, la Junte islamique espagnole a écrit au Saint Père pour lui demander que les musulmans soient autorisés à prier, à côté des catholiques, dans la "mezquita", l'ancienne Grande Mosquée de Cordoue, devenue cathédrale depuis plus de sept siècles.

L'association musulmane précise, dans sa missive, que son objectif n'est pas de "s'approprier ce lieu bénit mais d'y favoriser, avec vous et d'autres confessions, un espace oecuménique singulier et unique au monde". Son président, Mansur Escudero, a indiqué, dans un entretien au quotidien ABC, que cette démarche ne vise pas à "revendiquer le passé" ni "récupérer" ce lieu singulier.
Pouvoir prier dans ce lieu magique édifié pendant deux siècles (785-987) par les émirs, puis califes Omeyyades, littéralement éventré par une église cathédrale au XVIe siècle, après la Reconquista chrétienne d'Al-Andalus, est une revendication ancienne des musulmans espagnols.
L'évêché "nous a toujours répondu la même chose, à savoir que lorsque l'on pourra prier à Sainte-Sophie, par principe de réciprocité, on pourrait considérer cette option", a précisé Mansur Escudero dans cet entretien.
"CONFUSION"
Avant même que la nonciature ait pu remettre la lettre au Vatican, l'évêque de Cordoue, Juan José Asenjo, a rejeté l'idée de transformer la mosquée-cathédrale en "lieu œcuménique singulier".
Ouvrir cet endroit à la prière d'autres confessions, a indiqué le dignitaire dans un communiqué publié mercredi 27 décembre, "ne contribuerait pas à la coexistence pacifique des différents credos" et, en outre, "provoquerait une confusion entre les fidèles en favorisant l'indifférenciation religieuse".
A toutes fins utiles, l'évêque affirme que l'évêché possède des "titres juridiques qui font foi pour conserver l'usage exclusif de la cathédrale à l'Eglise" ainsi que "des titres historiques incontestables".
En attendant une éventuelle réponse du pape, et faute de pouvoir le faire intra-muros, Mansur Escudero a prié au pied du mur d'enceinte de la mosquée-cathédrale, jeudi.
Cécile Chambraud

Tuesday, December 26, 2006

Terrorisme : Eurostar dans la ligne de mire d’Al-Qaeda

Des militants proches de la nébuleuse d’Al-Qaeda seraient en train de préparer une attaque d’envergure durant la période des fêtes de fin d’année contre le tunnel sous la Manche reliant l’Angleterre et la France, rapporte dimanche l’hebdomadaire britannique, The Observer.
Se référant à un rapport des services de renseignements français et à des sources proches des services américains, le journal a qualifié de « très élevée » la menace qui guette le tunnel, très prisé en cette période. Cet attentat, préparé à partir d’un pays du Moyen-Orient, pourrait avoir lieu durant la période allant jusqu’au mois d’avril 2007, selon le rapport.
Selon The Observer, le complot serait préparé par des militants disposant de nationalités occidentales, notamment britannique.
Les services de renseignement britannique et français ont procédé à une révision de leurs systèmes de contrôle sécuritaire déployés dans le tunnel, indique le journal, relevant que les services de sécurité britanniques ont été mis en état d’alerte durant les fêtes de Noël.
Les experts en matière de terrorisme estiment qu’une attaque contre le tunnel sous la Manche pourrait être plus spectaculaire que les attentats du 11 septembre 2001 contre les Etats-Unis, eu égard au nombre élevé de voyageurs qui empruntent le tunnel en cette période.

Monday, December 11, 2006

Analyse: Devant la radicalisation de l'islam, les Néerlandais se voilent la face

L'ANALYSE de Stéphane Kovacs, Journaliste au service Étranger du Figaro.

Ayaan Hirsi Ali, avant de quitter les Pays-Bas, l'été dernier, pour les États-Unis avait lancé : « Je pars, mais les questions sur l'avenir de l'islam dans notre pays demeurent. » Pourtant, avec l'exil de l'ancienne parlementaire d'origine somalienne, égérie du combat contre les intégristes musulmans, les polémiques sur l'islam et l'intégration semblent s'être estompées dans ce pays. Après l'assassinat, en 2002, du populiste Pim Fortuyn, qui qualifiait l'islam de « culture arriérée », puis celui, en 2004, du cinéaste Théo Van Gogh par un islamiste, plus personne n'ose mener de combat public contre l'islamisme.

L'immigration, l'échec du multiculturalisme et les tensions intercommunautaires ont été largement absents de la campagne électorale des législatives de fin novembre. Il y a désormais consensus des principaux partis politiques pour mettre un frein à l'immigration. Les lois très strictes mises en place ces derniers mois par le ministre de l'Intégration, Rita Verdonk, ne sont pas remises en cause.

Mais dans la société néerlandaise, l'inquiétude est toujours sensible. Selon une étude publiée l'été dernier, 63 % des Néerlandais pensent, comme Ayaan Hirsi Ali, que « l'islam est incompatible avec les valeurs occidentales ». Et la moitié d'entre eux affirment « craindre ­­­l'islam et son influence sur la société néerlandaise ». Le relatif succès du nouveau Parti de la liberté (9 sièges), créé par Geert Wilders, un ancien libéral qui veut « arrêter l'islamisation des Pays-Bas », reflète ce malaise.

Mais alors que plusieurs groupes terroristes viennent d'être démantelés, que les « crimes d'honneur » font une victime chaque mois dans le pays et qu'une récente étude met en évidence le risque d'une progression de l'islam radical aux Pays-Bas, c'est encore la ­gedoogcultuur, cette culture de la tolérance poussée jusqu'à la permissivité, qui prévaut. « Le sentiment légitime de culpabilité issu du colonialisme, du racisme, de l'apartheid et de l'Holocauste a engendré une attention exclusive et particulière envers les ethnies et les cultures des communautés minoritaires, diabolisant au passage celles de la majorité autochtone », explique ­René Cuperus, membre du think-tank du parti travailliste PvdA.

À Rotterdam, les travaillistes, majoritaires au conseil municipal, viennent d'approuver un projet controversé : la construction du premier hôpital islamique d'Europe. Avec des départements séparés pour hommes et femmes. À Utrecht, la commission pour l'égalité des chances vient de donner raison à une jeune musulmane, professeur d'économie, qui refusait de serrer la main des hommes. Le collège qui voulait la renvoyer a été qualifié de « trop ethnocentrique ». Par ailleurs, l'une des principales banques néerlandaises, Rabobank, étudie la possibilité de proposer des « prêts halal », sans intérêts, afin de satisfaire aux préceptes de l'islam. Une institution financière islamique, Bila Riba (« sans intérêts » en arabe), a été créée il y a quelques mois à Leiden. Enfin, pour refléter « l'évolution de la société », un syndicat chrétien propose de remplacer un jour férié chrétien par un jour férié musulman...

« Pourquoi construire cet hôpital islamique alors que les établissements existants proposent déjà, depuis longtemps, nourriture halal et lieux de prière ?, s'étonne Rasit Bal, directeur de l'ISBO, l'organisation qui chapeaute les quarante-sept écoles islamiques du pays. Pourquoi imaginer des prêts sans intérêts alors qu'ailleurs en Europe les musulmans se satisfont des systèmes bancaires occidentaux ? »



Dans un livre paru en septembre, l'ancien ministre de la Justice, le chrétien-démocrate Piet Hein Donner, va plus loin : « Le ton du débat politique ne me plaît pas, affirme-t-il. »Tu t'assimileras, tu adopteras nos normes et nos valeurs, sois raisonnable, fais comme nous.* Ce n'est pas comme cela que j'envisage les choses. » Et dans un élan, semble-t-il, de bonne volonté envers les musulmans, il assure que « si les deux tiers des Néerlandais voulaient introduire la charia, ce serait scandaleux de dire : c'est impossible. C'est la majorité qui compte, voilà l'essence de la démocratie »... Des propos qui ont suscité un tollé, mais qui témoignent du profond désarroi de la classe politique locale envers l'islam.

Le premier vote, le 30 novembre, du nouveau Parlement - où l'extrême gauche est entrée en force - a été l'amnistie générale pour les quelque 26 000 déboutés du droit d'asile, entrés au Pays-Bas avant avril 2001. Au même moment, une pétition s'organisait contre le projet du gouvernement sortant d'interdire le port de la burqa...



Pourtant, les Néerlandais continuent de remettre en cause le modèle multiculturel: ils sont 70 % à penser que les minorités doivent s'adapter à leur culture. Les études montrent que le sentiment xénophobe apparaît surtout dans les grandes villes, chez les femmes et les homosexuels, inquiets de l'intolérance des musulmans.

« L'idée de société multiculturelle est peut-être séduisante aux yeux des immigrants, mais il n'empêche qu'elle a fait beaucoup de dégâts, ­affirme René Cuperus. Au lieu de contribuer à faire accepter l'immigration, le concept de société multiculturelle alimente dangereusement le ressentiment et la xénophobie des autochtones, allant jusqu'à suggérer que ces derniers ne sont ni plus ni moins qu'une minorité parmi les minorités. »

L'Américain Francis Fukuyama, observateur attentif du système multiculturel outre-Atlantique, met lui aussi en garde : « Je considère que les Européens, notamment les Néerlandais, font la politique de l'autruche. J'ai la conviction que le concept de société multiculturelle est une énorme erreur. Cela n'a pas donné naissance à une société libérale, mais à une série de groupes qui ne se parlent pas. À mon avis, on ne peut pas appeler cela une nation. »

Thursday, December 07, 2006

Les Français arrêtés en Égypte bientôt expulsés

Jean CHICHIZOLA, Le Figaro

L'incertitude demeure sur les charges retenues contre ces islamistes présumés.

LA CONFUSION continuait à régner hier dans l'affaire des djihadistes présumés interpellés en Égypte (nos éditions d'hier). Neuf Français devraient revenir en Europe d'ici à la fin de la semaine, une source policière n'excluant pas qu'une partie d'entre eux puissent arriver dès aujourd'hui. Un détail complique en effet l'opération : les expulsés, et leurs familles, doivent payer leurs billets d'avion. À la recherche de billets les moins chers, ces islamistes venus officiellement en Égypte pour approfondir leurs connaissances de l'islam et de la langue arabe auraient choisi de rentrer en France via la Belgique.

Arrivés en France, ces adeptes présumés du salafisme (l'une des écoles de l'islamisme radical) auraient été accueillis au pied de la passerelle par les policiers de la sous-direction antiterroriste (SDAT) de la police judiciaire et entendus par ces derniers.

Le passage par la Belgique complique légèrement la situation : une demande d'entraide judiciaire a été adressée à Bruxelles en vertu de l'enquête préliminaire ouverte lundi par le parquet de Paris pour « association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste ». La procédure est des plus classique et elle est régulièrement mise en pratique dans des enquêtes de droit commun. Si elle accepte l'entraide judiciaire, la Belgique devrait faire entendre les personnes désignées par ses services de police avant, le cas échéant, de veiller à leur remise aux autorités françaises. Bruxelles devrait écouter favorablement les demandes françaises puisque quatre de ses ressortissants ont été interpellés dans la même affaire : deux en Égypte fin novembre et deux en Arabie saoudite le 10 novembre. Les intéressés doivent également être expulsés.

L'incertitude prévaut également sur les charges, ou l'absence de charges, qui pourraient être retenues contre les individus interpellés par les autorités cairotes. Le ministre de l'Intérieur égyptien a annoncé lundi soir que ces individus, pourtant expulsés immédiatement à leur frais, étaient membres d'un « groupe terroriste » lié à des « organisations à l'étranger » et cherchant à recruter des volontaires pour l'Irak.

Paris plus mesurée

Paris semble avoir une vision plus mesurée. Tous les Français devraient être entendus par la SDAT sur leur départ en Égypte et leur séjour sur place. Les policiers s'efforceront également de déterminer s'ils formaient un groupe et s'ils se destinaient au djihad irakien. En l'absence de charges, ils seront remis en liberté à l'issue de leur garde à vue.

Selon nos informations, seuls deux Français sont cités dans des enquêtes antiterroristes en cours sur le territoire français. Ces deux Français se sont convertis à l'islam en optant pour sa version radicale. Ils ont gagné l'Égypte dans l'intention de prendre des cours de langue arabe et de théologie islamique. Le premier serait lié à un groupe installé dans le sud-ouest de la France. Le second, issu d'une famille originaire d'Europe de l'Est, est en contact avec des extrémistes de la région parisienne. Encore faudra-t-il établir leur implication éventuelle dans une activité délictueuse.

La formation des imams échappe au contrôle de l'État

LE FIGARO

Les récentes tentatives de faire émerger un islam à la française se heurtent à la résistance des pays d'origine, soucieux de conserver leur influence.

LA FORMATION des imams devait être la clé de voûte d'un islam apaisé, intégré à la République, d'un islam français. Elle reste précaire, peu contrôlée et de plus en plus dispersée. À Lille, l'ancien président de la Fédération des musulmans de France (FNMF, proche du Maroc) vient d'ouvrir l'institut Avicenne. Mohammed Bechari a longtemps siégé au CFCM où on peinait à le classer. Évincé depuis de cette instance, il s'est replié sur ce projet d'institut, profitant de ses liens avec les pays du Golfe au sein de la Ligue islamique mondiale pour obtenir un financement. Le Qatar et la Libye ont promis d'assurer les 330 000 euros de fonctionnement annuel de l'institut, sans s'immiscer dans les contenus. La mairie de Lille a fourni le bâtiment en plein centre-ville et signé un bail emphytéotique. « Un coup de pouce de mon amie Mar­tine Aubry qui n'a pas besoin de ­cela pour obtenir les voix des musulmans », assure Mohammed Bechari, qui entretient depuis longtemps des liens avec le PS local.

Réalités de la société occidentale

Samedi dernier, une douzaine d'élèves ont suivi leur premier cours, surtout des filles voilées, qui étudient par ailleurs. « On cherche à mieux comprendre l'islam et à enrichir nos connaissances. On viendra à l'institut le week-end et le soir », ont-elles expliqué. À moyen terme, « des cadres religieux ­(imams et aumôniers) seront aussi formés en langue française, initiés à l'éducation civique et dotés des outils pour faciliter l'intégration dans la République laïque fran­çaise », explique Mohammed Bechari, qui entend bien participer à l'avenir de l'islam de France.

Dans une logique plus académique, des universitaires veulent mettre à profit le concordat pour monter une université privée de sciences islamiques à Strasbourg, autour du spécialiste Francis Messner et d'intervenants venus d'universités islamiques. Ils se sont réunis la semaine dernière pour des journées de réflexion. Le projet démarre seulement et pourrait incarner un islam plus savant qu'adapté aux nécessités des communautés.

Enfin, à Lyon, le centre Shâtibî fonctionne depuis septembre, monté par des disciples des frères Ramadan. Il forme des « cadres » musulmans, dont beaucoup pourraient à terme faire office d'imams, dans un islam qui ne fonctionne pas sur le modèle du clergé catholique et autorise le plus savant de l'assemblée à ­conduire la prière.

Ces initiatives relancent les craintes de voir importer en ­France une formation traditionnelle, parfois fondamentaliste ou imperméable aux réalités de la ­société occidentale. Mais surtout marquent l'échec d'une formation labellisée que l'État appelait de ses voeux. Le Conseil français du culte musulman (CFCM), crée par Nicolas Sarkozy en 2003, devait s'atteler à ce chantier prioritaire. Mais les pays d'origine ou le mouvement des Frères musulmans ne voulaient pas renoncer à leur ­influence, en renonçant à envoyer en France leurs imams.

De son côté, l'administration a bien tenté d'organiser une filière opérationnelle et transparente, mais sans aller jusqu'au bout, ­gênée aux entournures par « le respect de la laïcité ». C'est d'ailleurs en son nom que les universitaires de Paris-IV ont refusé en 2005 d'accueillir des étudiants religieux dans un cycle profane de connaissance de l'histoire et des institutions françaises, faisant capoter les derniers espoirs du ministère de l'Intérieur.

Pour l'instant, l'immense majorité des imams vient de l'étranger (lire ci-dessous). Et pourtant, la France compte trois centres de formation depuis les années 1990. « Ces trois centres forment moins d'une dizaine d'imams par an », estime un conseiller à l'Intérieur. Beaucoup d'étudiants s'inscrivent pour obtenir des papiers et ne terminent pas leur cursus. D'autres diplômés ne parviennent pas à ­vivre de leur ministère.

Face à ce maelström, les pouvoirs publics ont revu leur stratégie, en contrôlant les prêches a posteriori, dans les mosquées. Mais l'enjeu d'un islam éclairé dépasse largement la question des imams. Chaque année, des dizaines de milliers d'enfants suivent des cours d'arabe ou d'éducation coranique dans la plus totale opacité.

Par ailleurs, la diffusion d'un islam français repose aussi largement sur les leaders associatifs, qui discutent au quotidien avec les jeunes. La profusion d'instituts pourrait créer des cadres instruits, mais aussi des cadres adeptes d'un islam plus rigoriste que celui qui était pratiqué par la génération précédente.