Saturday, February 24, 2007

Les musulmans britanniques veulent que l'école s'adapte à la "morale islamique"

LE MONDE 23.02.07
LONDRES CORRESPONDANT
es jeunes musulmans doivent pouvoir porter la barbe à l'école, les jeunes filles revêtir le foulard islamique pendant tous les cours, y compris ceux d'éducation physique, les étudiants doivent pouvoir être dispensés des leçons d'éducation sexuelle. Telles sont quelques-unes des demandes faites par le Conseil musulman de Grande-Bretagne (MCB), la principale organisation représentative des 1,6 million de musulmans qui vivent dans le royaume.

Dans un document de 72 pages rendu public le 21 février, le MCB demande au gouvernement de permettre aux 400 000 jeunes musulmans d'exprimer plus librement leurs pratiques religieuses dans les écoles publiques, où 96 % d'entre eux étudient. Les autres fréquentent des écoles privées, ou l'une des cinq écoles d'Etat musulmanes. Le MCB regrette que certaines écoles n'aient pas été "réceptives aux revendications légitimes et raisonnables des parents et des enfants musulmans quant à leurs préoccupations dictées par la foi".
Le document du MCB tient à la fois du catalogue de recommandations et du cahier de doléances. Son importance politique découle de l'influence du MCB. Cette organisation, fondée en 1997, chapeaute plus de 400 associations religieuses, culturelles, sociales et professionnelles musulmanes. Elle veut parler au nom de la principale minorité religieuse du Royaume-Uni. Le gouvernement de Tony Blair a fait du MCB son interlocuteur musulman privilégié, notamment depuis les attentats de Londres en juillet 2005.
Le MCB souhaite que garçons et filles puissent exprimer leur fidélité au concept musulman de haya ("pudeur") dans leurs tenues vestimentaires. Les étudiantes doivent pouvoir être coiffées à tout moment du foulard islamique ou revêtir le jilbab, une longue robe qui descend jusqu'aux chevilles. Le MCB ne dit pas un mot du niqab, le voile intégral qui ne laisse apparaître que les yeux. Lors des cours d'éducation physique, le MCB recommande aux élèves de porter un survêtement, et aux jeunes filles de se coiffer du foulard islamique "en le nouant d'une manière sûre".
La mixité doit être exclue des sports collectifs impliquant des contacts physiques, comme le football et le basket-ball. Le MCB demande que les élèves puissent se changer dans des cabines individuelles, et non en groupe, et qu'ils soient dispensés de douche après le sport si celle-ci expose leur corps à la vue des autres enfants, car "l'islam interdit d'être nu devant les autres ou d'apercevoir la nudité des autres". Les leçons de natation enseignées aux garçons et aux filles ensemble sont "inacceptables pour des raisons de décence, aux yeux des parents musulmans".
"PERSPECTIVES MORALES"
Si l'école ne peut séparer les sexes, les enfants doivent pouvoir être dispensés de ces cours. Même chose pour les leçons de danse, cette dernière n'étant pas "une activité normale pour la plupart des familles musulmanes". La danse, souligne le MCB, "n'est pas compatible avec les exigences de la pudeur islamique, car elle peut revêtir des connotations et adresser des messages sexuels".
L'éducation sexuelle, obligatoire dans le secondaire, doit, selon le MCB, être enseignée aux élèves par des professeurs du même sexe. Le recours à des objets ou à des "schémas représentant les organes génitaux" pour illustrer des leçons sur la contraception ou sur les préservatifs est "totalement inapproprié, car encourageant un comportement moralement inacceptable". Les écoles doivent prendre en compte "les perspectives morales islamiques".
La publication du manifeste du MCB a suscité une mise au point du ministère de l'éducation. Ce document, a-t-il déclaré, ne cadre pas avec "le code de conduite" officiel en vigueur dans les écoles publiques, et n'a donc "aucun caractère obligatoire". Un porte-parole du syndicat des chefs d'établissement a critiqué "cette liste de demandes" qui risque de provoquer "un retour de manivelle".
Jean-Pierre Langellier

Saturday, February 03, 2007

Le "complot de Birmingham" ravive les inquiétudes envers l'extrémisme musulman

LE MONDE 02.02.07 14h37

Un épicier, un instituteur, l'employé d'une librairie et le gérant d'une pizzeria font partie des neuf Britanniques d'origine pakistanaise interrogés par la police après la découverte du "complot de Birmingham". Ces hommes, suspectés d'avoir planifié l'enlèvement et l'assassinat d'un soldat musulman britannique, sont des pères de famille apparemment bien intégrés, connus et respectés dans leur quartier. La gravité des soupçons qui pèsent sur eux confirme une nouvelle fois la perméabilité de certains secteurs de la communauté musulmane aux mots d'ordre les plus extrémistes et la disponibilité de quelques-uns de ses membres à passer à l'action terroriste.

LE "MODÈLE IRAKIEN"
Avec 20 % de sa population originaire du sous-continent indien, en grande majorité du Pakistan, Birmingham, surnommée "Muslim Central", offre un terreau fertile à la propagande islamiste. John Reid, ministre de l'intérieur, vient de révéler que le premier complot inspiré par Al-Qaida en Grande-Bretagne, avait été mis au jour à Birmingham en 2000, un an avant les attentats du 11-Septembre.

La librairie au centre de l'enquête avait été cofondée par Moazzem Begg, l'un des neuf prisonniers britanniques de Guantanamo, arrêté au Pakistan en 2002 et libéré sans inculpation en janvier 2005.
Elle était depuis longtemps dans le collimateur de la police, qui l'avait "visitée" à plusieurs reprises. On y trouvait en vente quelques ouvrages incendiaires, incitant au terrorisme, dont celui, édité en 1999 par la librairie, et écrit par Dhiren Barot. Cet hindou converti à l'islam, condamné en novembre 2006 à la prison à vie par un tribunal londonien, avait élaboré des projets d'attentats à grande échelle à Londres et à New York. Plusieurs de ces livres sont encore disponibles sur le site Internet de la librairie.
Le complot déjoué à Birmingham lance un redoutable défi à la police britannique. Le possible recours de certains extrémistes, en Grande-Bretagne même, à des enlèvements politiquement ciblés, suivis d'assassinats, et fortement médiatisés via Internet, selon le "modèle irakien", est plus difficile à déceler par le contre-espionnage que la préparation d'un attentat et plus facile à mettre en oeuvre.
De nombreux sites Internet expliquent, par exemple, aux candidats terroristes le mode opératoire d'un enlèvement, dont l'effet psychologique est tout aussi ravageur auprès de la population que celui d'une bombe, surtout s'il s'accompagne, comme ce fut souvent le cas en Irak, d'un douloureux chantage mettant en conflit la vie de l'otage et la raison d'Etat.
Jean-Pierre Langellier